Bref, je suis née dans une grande maison sur les hauteurs de Londres. Ma mère passait ses journées à la maison pour s’occuper de ses quatre enfants et mon père était l’agent immobilier le plus connu à cette époque. On ne roulait pas sur l'or mais tout de même, on avait un train de vie assez confortable. La classe moyenne comme on disait. En attendant, on vivait bien. J'étais la seconde d’une famille de quatre enfants. Un grand frère avant moi, un autre petit-frère juste derrière moi et une petite sœur par la suite. Nous étions une famille heureuse, soudée, on faisait des tas de choses ensemble. Tu parles d'un bonheur illusoire ! Il n'aura duré que 6 ans. Je m'en rappellerais toujours de ce maudit jour, comme si c'était hier. Je vois, vois et revois cette scène comme un vieux film dont on aurait abusé. La bande saute et repasse toujours le même passage, histoire de bien te foutre les boules. On est en novembre, un mercredi après-midi et je joue tranquillement dans ma chambre avec mes poupées barbies. Je me sentais à l'abri du danger, je ne vois pas cette ombre grandissante qui recouvre la maison et qui nous engloutit doucement, promesse d'un avenir gâché. La porte d'entrée claque et je vais à la fenêtre, pour voir. C'est mon père, vu l'heure il va certainement acheter ses clopes, comme toujours et il fera un petit détour au café en revenant. L'habitude. Il m’aperçoit et s'arrête quelques secondes. Il me fait finalement coucou et comme une idiote, je lui fais un simple sourire. On est tellement cons quand on est jeunes. Il m'envoie un baiser, monte dans sa voiture et s'en va. Le truc, c'est qu'il n'est jamais revenu. J’étais loin de m’imaginer que je ne le reverrais jamais. Je ne comprenais trop ce qu’il se passait et je voyais tous les jours ma mère en larmes. Non, il n'est pas mort. Il s'est barré, c'est tout. Il a osé nous abandonner. Moi, ma mère et mes frères et ma sœur. Comme si nous n'étions rien finalement. Je me sentais trahis, abandonné par mon propre père. Cette sensation horrible qui te démange et te réveille la nuit. Ces questions incessantes qui heurtent douloureusement mon esprit, comme des lames de rasoirs. Qu'est-ce que j'ai fais pour qu'il parte ? Est-ce que c'est seulement de ma faute ? Je ne saurais jamais. Et je ne sais plus si je l'aime ou le déteste. Si je lui en veut ou si je garde l'espoir qu'il revienne. Tout ce que je sais, c'est que tout ce qui arriva ensuite fut de sa faute. Que cette douleur lancinante, comme si on me réduisait en morceau de l'intérieur c'est à cause de lui. Petite, j'ai eu du chagrin, c'est vrai. Maintenant, seules les larmes de rages coulent sur mes joues. Un jour, je voudrais juste qu'il voit à quel point il a fait foirer ma vie.
Suite à cela, ma mère était tombée en dépression. Et tout ce qu'elle a trouvé à faire, c'est de balancer son argent par les fenêtres en nous laissant nous débrouiller seuls avec mes frères et ma sœur. Mon grand-frère n’avait rien trouvé de mieux que de jouer notre père. En quelque sorte, nos parents lui ont volés son enfance en l’obligeant à s’occuper de nous. Mais je n’en faisais qu’à ma tête. Je m'isolais, me faisais peu d'amis, fuguais la nuit, je mentais à mon frère pour qu’il me laisse tranquille. J’étais vraiment une vilaine fille mais je j’assumais parfaitement. Un peu d'amour, est-ce trop demandé ? Il fallait croire que oui. Je voulais avoir un grand-frère pas un deuxième père. Mais un jour, notre mère n’avait rien trouvé de mieux que de nous ramener son nouveau mec. Pas du tout dans le style de notre père. Lui, il était droit et honnête tandis que le nouveau mec de ma mère était .. Comment dire ? Froid, hautain et qui se comportait comme un véritable salop avec elle. Après s’être marié avec ma mère, il a commencé à boire et à la frapper. C’est moi qui l’ai vu la première. Personne ne voulait me croire. Tout le monde me traitait de menteuse et donc que tout le monde soit heureux, j’ai fuis. J’ai quitté Londres et ma famille avec une petite pointe de regret. Où suis-je allé ? J’avais toujours voulu voyager. C’est donc avec un sac à dos que je suis parti à la conquête du monde. La France, Le Canada .. Puis les Etats-Unis, c’est là que j’ai décidé de planter mes bagages. Je n’avais que dix-neuf ans quand j’ai débarqué à Wilmington. Tout a changé. Un revirement que je n'attendais plus vint me bousculer. L'entrée à l'université. En plus, j’étais libre mais à des milliers de kilomètres de mes proches. Il valait mieux cela plutôt que ma famille me traite de folle ou de menteuse ou que sais-je encore. Je ne savais plus qui j'étais, qui je devais être, ni même qui je pouvais être. Perdue et dépassée par les évènements, je faisais n’importe quoi et même des choses qui ne me ressemblaient pas du tout. Comme une barrière de protection, mes défauts se sont alors accentués, devenant mon entière personnalité. La découverte des hommes fut sulfureuse et j'en abuse, j'en ai bien conscience. Quand on vous prive de quelque chose, c’est tellement bon de le retrouver que vous en abusez encore et encore. Et puis, on a commencé à me poser des questions, sur moi, ma vie. Et c'est là que j'ai réalisé que je n'étais pas prête à parler de moi. Ou du moins si mais c’ était encore trop difficile de parler de ma famille que j’avais abandonnée sans même laisser une adresse, un numéro de téléphone .. Alors j'ai commencé à mentir. Enfin non, j’ai continué plutôt. Je me suis inventé une vie parfaite. La vie que j’aurais toujours voulu avoir du moins. J'invente tout un tas de subterfuge pour entretenir mon image de petite fille pourrie gâtée. La vie est tellement dure quand vous devez mentir à tout le monde et que vous êtes loin de votre famille. Mais vous ne pas rentrer chez vous par peur d’être jugée alors vous restez là, et vous continuez de mentir à tout le monde encore et encore et encore.